J’aurais voulu des portes qui claquent, de la vaisselle jetée
au mur, des traînées de ketchup sur le papier peint de la salle à manger.
J’aurais voulu que tu me haïsses, au lieu de me pardonner
dans une indifférence même pas glaciale.
J’aurais aimé de la colère, de la rage, tout
plutôt que cette bienveillance écœurante.
- Tiens, ce vase, je
sais que tu l’aimes bien, prends-le.
- Mais c’est ta mère
qui te l’a offert...
- Tu y tiens plus que
moi, garde-le, je te l’échange contre tes vinyles de Led Zeppelin.
J’aurais voulu avoir envie d'envoyer ce vase à travers la
fenêtre fermée, au lieu de te remercier, et que tu écrases le gros
zeppelin à coups de talon plutôt que de te voir manipuler les pochettes
fatiguées avec tant de douceur.
J’aurais aimé des sanglots bruyants et incontrôlables, de la
morve sur les cols de tee-shirt, mais pas prendre une bière ensemble après
avoir trié ensemble nos cartons.
J’aurais voulu The Misfits comme bande son de notre rupture,
pas Joe Dassin.
Elles m’insupportent, ces futures divorcées aux yeux cernés par les
scènes interminables, comment leur
dire que je les envie d'avoir aimé ?
J’aurais voulu qu’on se soit aimés à tout casser, que notre
amour s’écroule avec fracas, ne laissant que des brisures sur lesquelles on se couperait.
J’aurais aimé qu’on se jette des mots terribles qu’on
aurait regrettés pendant des années. J’aurais voulu te souhaiter autant de mal
que je t’aurais voulu de bien, avant.
J’aurais voulu que ça m’importe, la fille qui t’a déposé
pour signer les papiers du divorce et qui t’attendait devant le portail, moteur
tournant.
J’aurais aimé qu’on se traîne dans la boue, par l’intermédiaire
d’avocats qui ne seraient pas le même. J’aurais tant aimé que la passion arrive
enfin, même trop tard, dans notre histoire.
Mais nous n’avons jamais perdu nos bonnes manières. Finalement,
on était peut-être faits l’un pour l’autre.
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