dimanche 24 novembre 2013

Ruban rouge



Le mariage des nuages bas et du couchant étire un ruban sanglant sur l’horizon, tout au bout de la route. La pluie a cessé mais l’asphalte mouillée éclabousse le pare-brise et réfléchit la lumière des phares. L’habitacle est tiède et confortable, la musique est tellement saturée que le son devient tangible.

Je rêve qu’au lieu de tourner à l’angle de ma rue pour rentrer chez moi, je continue tout droit, pour toucher l’horizon avant qu’il s’éteigne. Je me projette, comme on dit, vers l’avant, vers plus loin… Qu’y a-t-il au bout de cette route ? La Bretagne ? La Vendée ? Je l’ignore. L’océan, c’est certain. Je sens le parfum puissant des algues à marée basse, j’entends la respiration de la mer. Je perçois, sous ma paume, non plus le revêtement usé du volant, mais la pierre froide, humide, inaltérable des constructions malouines. Autre chose que le tendre tuffeau du Val de Loire.

J’ai simplement envie, besoin, de changer d’air, pour un soir, une nuit, une tranche de vie. Je voudrais fuir la réalité avant qu’elle me rattrape, abandonner les obligations que j’ai laborieusement accumulées, élevées comme des murailles bretonnes, pour faire obstacle à la tentation.
Ce soir, ma mélancolie prend la couleur de ce ruban d’horizon, le tempo de Lars Ulrich, sans doute plus de colère que de tristesse. Je n’ai pas envie de savoir pourquoi, je veux juste aller caresser le sable mouillé, respirer la brume salée, ne plus entendre que le cri des mouettes.

Au moment où j’aperçois les Havres Gris au bout de ma route, j’atteins mon croisement, je tourne à gauche, je suis rentrée.

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