Le mariage des nuages bas et du couchant étire un ruban
sanglant sur l’horizon, tout au bout de la route. La pluie a cessé mais
l’asphalte mouillée éclabousse le pare-brise et réfléchit la lumière des
phares. L’habitacle est tiède et confortable, la musique est tellement saturée
que le son devient tangible.
Je rêve qu’au lieu de tourner à l’angle de ma rue pour
rentrer chez moi, je continue tout droit, pour toucher l’horizon avant qu’il
s’éteigne. Je me projette, comme on dit, vers l’avant, vers plus loin… Qu’y
a-t-il au bout de cette route ? La Bretagne ? La Vendée ? Je
l’ignore. L’océan, c’est certain. Je sens le parfum puissant des algues à marée
basse, j’entends la respiration de la mer. Je perçois, sous ma paume, non plus
le revêtement usé du volant, mais la pierre froide, humide, inaltérable des
constructions malouines. Autre chose que le tendre tuffeau du Val de Loire.
J’ai simplement envie, besoin, de changer d’air, pour un
soir, une nuit, une tranche de vie. Je voudrais fuir la réalité avant qu’elle
me rattrape, abandonner les obligations que j’ai laborieusement accumulées,
élevées comme des murailles bretonnes, pour faire obstacle à la tentation.
Ce soir, ma mélancolie prend la couleur de ce ruban
d’horizon, le tempo de Lars Ulrich, sans doute plus de colère que de tristesse.
Je n’ai pas envie de savoir pourquoi, je veux juste aller caresser le sable
mouillé, respirer la brume salée, ne plus entendre que le cri des mouettes.
Au moment où j’aperçois les Havres Gris au bout de ma route,
j’atteins mon croisement, je tourne à gauche, je suis rentrée.
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