Je ne sais pas vous, mais moi, je
trouve qu’on n’écrit pas assez sur le potentiel des supermarchés. Pas leur
potentiel commercial, économique ou de développement durable, ça, je suis sûre
qu’il y a beaucoup de littérature sur ces passionnants sujets.
Je veux parler de leur potentiel
de rencontres, d’agacement, d’énervement, de petites joies et de plaisirs
intenses, de leur potentiel de vie, tout simplement.
Déjà, il y a des différences
énormes entre les enseignes. Certaines semblent réservées aux vieux. Pardon,
aux Personnes Âgées. Quelle que soit l’heure, quel que soit le jour de la
semaine, 80 % de la clientèle est composée de seniors plus ou moins
mobiles, plus ou moins (plutôt moins d’ailleurs) aptes à conduire et à garer
une voiture rutilante sur le parking. Je jurerais que la voiture ne leur sert
qu’à ça, à aller faire « les commissions ». Et sûrement aussi à aller
« au docteur », puis faire les examens prescrits. Mais c’est une
autre histoire.
Vous l’aurez compris, ces retraités
m’exaspèrent. Pas parce qu’ils sont vieux, ça m’arrivera peut-être aussi un
jour. Mais, entre autres, parce qu’ils choisissent précisément de se garer,
mal, juste à côté de moi. Et qu’en ouvrant leur portière, comme ils sont moins
agiles que la plupart des gens normaux, ils poussent un grand coup. Tant pis si
ça tape dans MA voiture. Pour être honnête, je ne crois pas qu’ils aient
vraiment une dent contre moi, ils ne peuvent pas me haïr autant que je les
hais, eux ne me connaissent pas. Ils font ça quelle que soit la caisse qui est
garée à côté d’eux. Mais les jours où c’est la mienne, je vois rouge. Ça
commence bien.
Comme, l’expérience aidant, j’ai
rapidement repéré ces enseignes-là, je les évite soigneusement, sauf en cas
d’extrême et urgente nécessité, par exemple quand je passe juste devant, que j’ai
absolument besoin de refaire le plein de bière, ou de café ou de croquettes
pour le chat et que je ne me sens pas de faire 20 km de plus pour aller
dans une autre grande surface ou que l’heure de la fermeture est proche… Dans
ces cas-là, je m’efforce de ruser, de me garer loin loin de l’entrée, à un
endroit où il y a huit places disponibles, et je me mets au milieu. Malheureusement,
ça ne manque pas, j’imagine qu’ils profitent de voir une voiture pour essayer, je pèse mon mot, de se ranger
correctement. Ça doit être plus facile que de relever la tête pour se guider, via
les rétroviseurs extérieurs, sur les lignes blanches qui délimitent les places.
Sûrement. Je ne peux pas croire que les parkings de supermarché soient remplis
de Taties Danielle. Le résultat n’en est pas moins, hélas, le même pour les
ailes de ma voiture et pour mon niveau de stress.
Ensuite, après avoir passé
8 minutes à chercher en vain un jeton dans le sac de « Maman »,
« Papa » retourne à sa voiture (snif… et à la mienne) pour chercher
LA pièce d’un euro qui est TOUJOURS là, bien rangée sous le frein à main ou
dans le cendrier. Comme s’ils n’avaient pas pu y penser avant de sortir. Ils
peuvent enfin essayer (je pèse, encore) de dégager un caddie. Souvent, ils
commencent alors à se chamailler. Papa n’y arrive pas. Maman s’agace et lui
intime de la laisser faire. Papa, vexé comme un pou, s’y refuse obstinément,
bref, ce petit manège leur prend encore bien 5 minutes. Moi je m’en fiche,
je suis déjà dans le magasin, un œil sur ma montre (pas rater l’arrivée du car
du Petit), un autre sur les panneaux des rayons (mais nom d’un chien, pourquoi
est-ce qu’ils ne mettent pas la bière à côté des croquettes pour chat et du
café ?), car je n’ai absolument aucune idée de l’agencement du lieu, que
je trouve conçu en dépit du bon sens. Je suis déjà bien remontée.
Et ça continue : quelle que
soit la largeur des allées, elles sont TOUTES embouteillées par plusieurs
couples appuyés sur leurs chariots comme sur des déambulateurs, qui se
racontent (les couples, pas les chariots) les résultats de leurs derniers
examens médicaux, en jouant à celui qui a la pire maladie, sans se rendre
compte qu’ils jouent à celui qui va mourir le premier. Et moi, intolérante que
je suis, je supporte mal d’entendre leurs histoires de transit intestinal juste
au moment où je me dis que puisque je suis au rayon boucherie, je pourrais bien
prendre des steaks hachés pour mercredi… tant pis pour les steaks, j’ai plus
envie d’un coup, je prendrai des ravioli à la place, si je les trouve. Pourquoi
diantre ne mettent-ils pas les raviolis à côté de la bière, du café et des
croquettes pour chat ?
Si je suis courageuse, je fais un
détour par les surgelés. Je suis tellement pressée qu’ils n’auront pas le temps
de dégeler avant d’arriver à la maison. Funeste erreur, bien sûr. Les allées du
rayon surgelés ne sont pas moins encombrées, les histoires qui y circulent sont
à peu près les mêmes que du côté boucherie, soupirs éplorés sur le pauvre mari
dont l’opération du côlon s’est mal passée et dont la poche à… je ne veux même
pas savoir comment ça s’appelle, c’est déjà assez écœurant comme ça. Tant pis
pour les surgelés. Je me taperai les 20 km supplémentaires demain, je
préfère encore.
Je fonce vers la sortie, déjà réconfortée
à l’idée de m’enfuir. C’était sans compter la queue aux caisses. Même si toutes
sont ouvertes, il y a la queue partout. Des serpents interminables de retraités
qui continuent de se répandre. Intenable.
Lorsque j’arrive enfin à m’extirper
de ce piège, je me jure croix de bois croix de fer de ne plus jamais remettre
les pieds ici, sous aucun prétexte. Et je me retiens in extremis d’écraser les
deux couples qui continuent de se raconter leurs petites misères, devinez où,
juste derrière moi, comme s’ils n’avaient pas vu qu’ayant fermé mon coffre et
rangé mon chariot, j’ai démarré et enclenché la marche arrière. Je ne résiste
pas, un petit coup de klaxon, la détente que cela me procure est
proportionnelle au bond de trouille généré chez les quatre égrotants. Vite,
vite, rentrer chez moi, retrouver mon chat et boire une bière, même tiède, en
attendant le Petit.
Après, il y a les supermarchés
bio. Bien que j’aie fréquenté quelquefois ces magasins dans ma période bio (à
fond, pain au levain et kéfir maison compris), j’ai toujours l’impression, à
peine la porte poussée, de me trouver brusquement téléportée dans un autre
pays. Même si on y trouve des choses à manger, comme chez nous, la langue ne
semble pas la même : « petit épeautre », « huile de
carthame », j’en passe. Pour acheter du café, il faut choisir son grain
(moka, tijuana, lufthansa, que sais-je, je reconnais avec soulagement un pur
arabica), verser la quantité désirée dans un sac en papier, puis le moudre, en
sélectionnant la grosseur ! Ben j’en sais rien, moi, ça fait déjà
10 minutes que je tourne en cherchant la machine à moudre, je n’ai aucune
idée de la grosseur qu’il me faut. Je demande de l’aide. Chance, les
autochtones sont d’une amabilité et d’une gentillesse incroyables. J’apprends
qu’il y a des réglages de mouture en fonction de la cafetière utilisée. Ah ah,
très bien. Je me sens terriblement cruche : « Ben, c’est pour une
cafetière électrique, quoi, pour faire du café le matin, et après j’ajoute du
lait… » Je donne autant d’indications que je peux, ne comprenant pas bien
ce qui est important.
« Pour une cafetière
filtre ? »
« Euh, oui, on met des
filtres, numéro 4… »
« Alors c’est le réglage
tant. »
Je regarde l’appareil comme une
poule devant une centrale vapeur. La vendeuse (est-ce qu’on les appelle
« vendeuses » ?) me prend en pitié et moud pour moi le café
salvateur. Ouf, merci Mademoiselle !
Bon, la bière maintenant, ah oui,
forcément, elle est bio. Est-ce qu’il y a des bières d’abbaye bio ? Je ne
sais pas, je prends la plus titrée, au hasard. Pas trouvé de croquettes bio
pour le chat. Tant pis, il en reste un peu à la maison, on va le rationner
quelques jours.
Les clients sont en général très caractéristiques.
Les femmes pas maquillées, chaussures plates, vêtements en pure laine vierge ou
coton bio selon la saison. Les hommes, pareil, avec aux pieds des tongs en
chanvre. Évidemment, les cheveux blancs ne sont pas colorés, ou alors au henné.
Bien bien bien. Je me tire vite fait, tout étonnée de voir un tapis roulant électrique
à la caisse, et qu’on accepte ma carte bleue, je m’attendais presque à devoir
payer en poulets, en courgettes ou en heures de ménage…
Pause observation sur le parking,
ça vaut le détour : les familles entrent et sortent, telles que décrites
plus haut. Les plus hardis fument des roulées. Moi, pendant ce temps, j’allume
une américaine à bout filtre, perchée sur des talons de 12 cm, mini-jupe
noire et perfecto rouge, sac à main et rouge à lèvres assortis… je ne me sens
vraiment pas à ma place.
Euphorie quand je m’échappe enfin
au volant de mon diésel-qui-pollue-la-planète-et-l’environnement…
Je note mentalement de ne pas
renouveler l’expérience plus souvent que nécessaire, c’est-à-dire au grand
maximum une fois tous les deux ans.
Il faut dire quand même que je
n’aime pas faire les courses. Enfin, je n’aime plus ça. Autrefois, dans ma
période jurassique, je me régalais de remplir mon caddie de lessive et de
produit à vaisselle, de serpillières et de torchons. Ça m’a passé. Complètement.
Pas de rechute. Les courses sont devenues pour moi une corvée à la fois
incontournable et à la limite du supportable.
Alors je ruse, là encore. J’en
profite pour faire un détour par les galeries marchandes où je fais fondre ma
carte bleue dans les boutiques de mode. La culpabilité qui m’étreint ensuite
aide à faire passer la pilule du grand magasin.
Ou bien j’y vais juste pour trois
choses, histoire que ça prenne le moins de temps possible. L’inconvénient de
cette stratégie, vous l’aurez vu avant moi, est qu’il faut y retourner plus
souvent.
Ou encore, je fais une liste
exhaustive de tout ce dont j’ai besoin pour les 10 prochains jours, ce qui
me permet de moins errer. Mais l’esclavage que représente la rédaction de la
liste est à peine compensé par le pensum lui-même.
En plus, il faut calculer
l’horaire : si ma préparation psychologique « pré-courses » dure
trop longtemps, je me retrouve dans le magasin à l’heure de pointe, queue pour
entrer sur le parking, queue aux rayons boucherie, poissonnerie, traiteur,
bousculades de chariots au rayon des croquettes, regards surpris au rayon bière
(ben oui, du coup, j’en prends beaucoup beaucoup, pas me retrouver en rade dans
trois jours !), queue à la caisse, pourquoi diable est-ce qu’ils forment
les nouveaux caissiers à 17 h 30 ? Et puis queue et embouteillages
pour sortir du parking mal fichu au possible, je me demande qui conçoit les
parkings des hypermarchés, ils sont toujours formidablement mal organisés.
Est-ce qu’ils font exprès ?
Cela dit, l’hypermarché est un
fabuleux site d’observation sociologique ! Pour me distraire, j’essaie de
dégager des tendances, une logique, dans les populations et leur fréquentation
de ces temples de la bouffe.
Le mercredi, rien de surprenant,
les mamans qui travaillent à 3/4 ou 4/5 de temps, avec leur progéniture. Ça
braille et piaille de partout, surtout aux rayons céréales pour petit déjeuner,
biscuits, bonbons et chocolat, forcément. Vers midi, il y a toujours une
baguette plus ou moins largement entamée, selon le nombre de nains, dans le
chariot de ces femmes-là.
Éviter le mercredi.
Le samedi, presque pas la peine
d’en parler, j’ai des sueurs froides rien qu’en y pensant. Les courses le
samedi après-midi, c’est comme un jour de semaine à l’heure de pointe, mais
multiplié par 110. Je deviens agoraphobe, misanthrope, misogyne, sexiste,
sanguinaire. Plus jamais. Tant pis, je partagerai un Saint Émilion avec le chat pour le petit
déjeuner. Je préfère.
Le samedi, beaucoup de gens font
les courses en famille ! Monsieur, Madame et leurs poulpiquets !
Waaah ! J’imagine la scène à la maison, le matin :
« Qu’est-ce qu’on fait
aujourd’hui ? C’est samedi. »
« Oh, et si on allait faire
les courses tous ensemble ? »
« Quelle bonne idée ma
chérie, appelle les enfants ! »
« Les enfants…
préparez-vous, on va faire les courses ! »
« Ouais ! »
« Super ! »
« Trop de la
balle ! »
J’ai du mal à y croire… Je dois
être obtuse, mais je ne peux pas imaginer qu’on n’ait rien de plus exaltant à
faire en famille un samedi. Et les musées ? Les châteaux ? Les
spectacles ? Les bibliothèques-ludothèques ? Le cinéma ? Les
randos à vélo ? La pêche ? Les brocantes ? Se lever tôt pour
aller passer le week-end au bord de la mer ? Faire la grasse matinée et
prendre l’apéro à la place du petit déjeuner (aussi bien, il n’y a plus de
café) ?
À noter : il y a des gens
qui s’éclatent à faire les courses tous ensemble. OK. Tant mieux pour eux après
tout, si ça leur fait plaisir. Mais par pitié, plus jamais moi.
Le matin à la première heure, des
hordes de seniors qui doivent se lever à 5 h pour être bien sûrs de ne pas
rater l’ouverture se bousculent en essayant d’entrer les premiers avant même
que le rideau de fer soit complètement relevé. Si on me l’avait dit, je n’y
aurais pas cru, mais 8h30 est donc aussi une heure de pointe. Avec tous les
inconvénients liés aux Personnes Âgées, et exposés précédemment.
Bien noté aussi.
Entre midi et deux heures, c’est
l’idéal. D’abord, je croise des gens qui me ressemblent, qui travaillent et
profitent de leur pause pour s’envoyer la corvée au lieu de déjeuner. Et ils ne
sont pas trop nombreux.
Elles sont reconnaissables, les
femmes qui travaillent : bien habillées, bien maquillées, souvent une barquette
de salade composée ou de fruits frais ouverte sur le siège bébé, dans laquelle
elles picorent en parcourant les allées, sur des talons qui les font sûrement
autant souffrir que moi, ou alors, c’est qu’il n’y a pas de justice.
Les hommes, c’est moins flagrant.
Déjà, des hommes qui font les courses seuls entre midi et deux, c’est plutôt
rare. Je ne peux que faire des conjectures, ça passe le temps. Si leur chariot
est rempli d’alcool, de boîtes de conserve et de soupes en sachets, j’imagine
qu’ils sont célibataires, ou étudiants, l’âge étant un indicateur assez
déterminant. Très sincèrement, je croise rarement un homme en costume-cravate
dont le caddie contient des couches pour bébé, du shampooing doux, du gel
douche exfoliant, des cartes Pokemon et des Kinder Pingui au milieu de poêlées
de légumes, de poisson frais et de pinces de crabe, d’excellent vin pour
accompagner et de salades fraîches et variées. Si tu es celui-là (et si c’est
toi qui laves la salade à la maison après avoir rangé les courses), contacte-moi
en MP, on a plein de trucs à se dire, je te le promets !
Je digresse, mais ça m’ennuie
tellement, ces courses, que j’aimerais bien trouver une heure et un jour où je
puisse un peu me rincer l’œil (en tout bien tout honneur, cela va de soi) en
compensation.
Dans certains magasins, comme
c’est la pause midi, ils n’ouvrent que deux caisses sur trente, et ça bouchonne
à la sortie. Ceux-là sont déjà rayés de ma liste.
Dans les moyennes surfaces qui
poussent comme des champignons depuis quelques années en centre-ville, la pause
déjeuner sacrifiée aux courses de la semaine prend une tout autre allure et
ressemble furieusement à une quelconque heure de pointe. Des salarié(e)s
méga-pressé(e)s car reprenant tou(te)s le boulot à la même heure et craignant
tou(te)s d’avoir à affronter un patron écumant ou une pointeuse tâtillonne. Ce
qui se traduit, forcément, par des télescopages de chariots, des jetages de
denrées, n’importe lesquelles, pour remplir le frigo, et qui seront
inévitablement fondues ou écrasées avant le rangement, agressivité à fleur de
lèvres, courses éperdues entre les rayons, puis sur le parking pour retrouver
où ils ont garé cette sacrée bagnole… en passant par les tentatives de
resquillage les plus honteuses à la caisse, nécessité fait loi.
Pas pour moi non plus.
Mais j’ai parlé au début de
petits plaisirs et de moments de joie intense. Et c’est vrai qu’il y en a. De
véritables moments de grâce.
C’est le monsieur très grand qui
m’aide spontanément à attraper la dernière boîte de sauce tomate tout en haut
tout en haut de l’étagère, au moment où je suis résignée à jeter ma dignité
derrière le rayon et à grimper sur le bord du chariot, au risque qu’il se
carapate sous mes talons, me laissant choir dans une posture que je ne veux
même pas imaginer. Je vous suis reconnaissante à vie, Monsieur.
C’est la caissière qui emballe
mes courses dans les sacs réservés aux trucs qui coulent, je suis sûre qu’elle
n’est pas censée faire ça, au prix où ça coûte, ces sacs ! Qui me demande,
des étoiles dans les yeux, où j’ai trouvé les deux boîtes de confit de canard
pour le prix d’une et espère à haute voix qu’il en restera quand elle aura fini
sa journée parce qu’elle adore ça. Pour un peu, j’irais lui en chercher
tellement elle est gentille ! Mademoiselle, je ne vous oublierai jamais.
Chaque fois que je vous vois, je m’arrange pour passer à votre caisse, même si
elle est embouteillée par un couple de vieillards et une jeune mère avec ses
trois braillards. Pour le plaisir de croiser votre sourire, et de vous
souhaiter bon courage.
C’est la pauvre dame que son mari
a envoyée lui acheter du pastis et se trouve tout ennuyée devant le choix
immense qui s’offre à elle, qui me demande conseil : il a bien précisé du
pastis, pas du cinzano. Mais il n’a pas dit quelle quantité. Elle semble
tellement démunie que j’ai le sentiment de faire œuvre charitable en l’aidant.
Madame, merci de m’avoir donné l’impression d’être un peu utile à quelqu’un ce
jour-là. J’espère que votre mari a été satisfait de mon choix.
C’est la vieille dame qui, devant
moi dans la file d’attente, s’avisant que je n’ai dans les mains qu’un pack de
bière, un sachet de croquettes et un paquet de café alors que son chariot à
elle est plein, me propose de passer devant elle, arguant qu’elle a tout son
temps, elle est à la retraite. Madame, vous me feriez presque regretter la
première partie de ce récit.
C’est le bébé qui, au lieu de
brailler comme ses conscrits, m’adresse un sourire lumineux lorsque je le
regarde distraitement.
Et c’est aussi cet homme, sur le
parking, un jour où j’avais le moral au fond des talons (167 cm + 12,
calculez comme c’est bas !), la sensation d’être affreusement mal fagotée
et la certitude d’avoir urgemment besoin d’aller chez le coiffeur, qui m’a fait
cette inoubliable déclaration : « Vous êtes très jolie, Madame »
dans un sourire désarmant.
À toi, charmant passant qui
m’évoque irrésistiblement la chanson de Brassens que je préfère[1],
je veux dédier ce billet. Merci d’avoir enchanté ma journée.