L’odeur grasse de l’herbe détrempée par la nuit, l’air
saturé de brume.
Le miel acidulé des fleurs d’acacia qui réveille un souvenir
de friture et de rires d’enfants.
Le parfum puissant et têtu de la résine, un grand cèdre
abattu.
L’âcre effluve d’humus et de champignons.
Le goût de roui de l’eau d’étang que l’on s’efforce en vain
de ne pas trop avaler.
L’écho lointain de la cloche du déjeuner que l’on pouvait
feindre de ne pas avoir entendue.
L’haleine piquante des fourmilières géantes au sommet
desquelles on pouvait déposer des cadavres de rongeurs pour récupérer, quelques
jours plus tard, des squelettes parfaitement nettoyés.
La poussière desséchée des chemins de calcaire.
La chaleur abrutissante d’un mois d’août révolu.
Le ronflement inquiétant d’un essaim d’abeilles en quête
d’un abri pour la nuit, ou d’un nouveau départ.
L’effrayante déflagration de la débâcle à la fin de l’hiver.
Le brame en septembre, les bois qui s’entrechoquent et
résonnent longuement à travers la forêt.
Les sens aux aguets, par habitude, la crainte permanente de
l’incendie.
Le bois trop jeune, qui peine à s’enflammer dans la cheminée
et dont les larmes grésillent sur les braises.
Le chêne bien sec qui réchauffe longtemps, durcit les
chaussures de cuir et les gants incrustés de terre sableuse.
Les branches de bouleau, leur lumière aussi joyeuse
qu’éphémère autour du foyer.
Les feuilles de bouleau à l’automne, qui mystifient cent
fois les chercheurs de girolles.
Un papillon mauve. Un papillon jaune. Un papillon brun. Les
papillons sont les âmes des morts qui reviennent partager un instant avec leurs
anciens compagnons.