Moi qui pensais t’avoir laissé derrière moi, me secouant
pour détacher les derniers lambeaux de ton souvenir accrochés à mes épaules,
moi qui me croyais plus forte que la déception, qui rêvais d’exister sans ta
peau… je me trompais un peu.
Dans les cieux ternes qui succèdent aux nuages gris de cet
interminable hiver, dans l’écume des vagues qui vient détremper le sable givré,
dans les pierres incolores de ce mur écroulé, je ne vois que ton regard.
La pluie froide qui dégoutte des arbres dépouillés et roule
sur ma nuque frissonnante m’évoque encore la fraîcheur de tes mains.
Le murmure pathétique de la bise qui se faufile dans le
moindre interstice me parle avec ta voix.
Je croyais t’oublier, il ne me reste que la lourdeur des nuits sans toi, le vide de ton absence, le silence écrasant.
À tout prendre, à tout perdre, j’aurais mieux fait de tout
garder, les perles tièdes de ton rire, les paillettes d’or de tes prunelles, la
force de tes bras, l’odeur de ta peau nue, la chaleur, la douceur, la
tendresse.
J’ai manqué de discernement.